Objet culte des années 80, Antropophagous est un film beaucoup moins simpliste qu’il n’y paraît grâce à la patte du duo d’Amato – Eastman, ce dernier ne se contentant pas d’interpréter le rôle titre mais ayant également participé à l’écriture. Comme d’habitude avec le d’Amato de l’époque, les apparences sont parfois trompeuses et surtout cachent des aspects souvent dérangeants derrière un masque de bisseux pur et dur.

Autour d’un script minuscule et au-delà de simples effets gore (par ailleurs peu réussis), Antropophagous livre le vrai portrait d’un homme que la vie a transformé en monstre. Le simple flashback d’Eastman tuant sa femme pour dévorer son enfant donne au film un relief particulier le faisant passer du bis bas de gamme au vrai film de genre comme les affectionne d’Amato. L’apport d’Eastman est indéniable sur ce point, connu pour apporter une touche particulière à chacun de ses rôles par sa simple présence tel Joe Spinell. Rares sont les acteurs capables d’épaissir un rôle sans une phrase de dialogue. Il livre ici une prestation impeccable en équilibre permanent pour ne pas tomber dans le ridicule que semblait pourtant lui promettre le rôle.  

Son apport par l’écriture est également sensible par la touche humaine apporté au rôle. De ce point de vue Antropophagous présente de nombreuses similitudes avec l’œuvre de d’Amato mais également avec le Maniac de William Lustig.

Le cannibale ici fait parfois penser au personnage de Kieran Carter dans Blue Holocaust par son coté désespéré et jusqu’au-boutiste y compris dans sa mort. Si Carter obsédé par l’esthétique et l’apparence finira défiguré, Eastman, lui éventré, dévorera ses propres entrailles. Dans les deux cas, le tour de force de faire passer un minimum de compassion vis-à-vis d’un personnage coupable d’actes monstrueux est réussi. Le summum étant probablement atteint avec la scène du fœtus où Eastman, après avoir revécu la mort de son enfant, dévore le bébé, donnant une ampleur toute symbolique à l’acte.  

La comparaison avec Maniac, elle, est pertinente tant dans le comportement du personnage seul et quasi-muet, que dans l’origine de leur comportement. Là encore, les deux films sont littéralement portés par leurs interprètes, Spinell et Eastman. Il est intéressant de noter que Spinell avait également participé à l’écriture de Maniac, preuve de l’implication des deux hommes et du caractère particulier qu’ils souhaitaient donner à leur personnage.

Contrairement aux prestations habituelle de d’Amato, Antropophagous fait preuve de sobriété en occultant pour une fois totalement l’aspect sexuel choses rarissime dans son œuvre. Inutile pour les amateurs de chercher des plans nichons de Tisa Farrow ou Zora Kerova, d’Amato préfère pour une fois centrer l’histoire sur Eastman permettant au film de gagner en fluidité, en évitant tout parasitage par des histoires parallèles. Le reste de la distribution fait toutefois et en toute logique pâle figure aux cotés du charisme d’Eastman. Mention néanmoins accordée à Tisa Farrow et Saverio Vallone qui s’en sortent plutôt bien, les autres faisant essentiellement de la figuration. À noter également la présence de Serena Grandi, future égérie de Tinto Brass (créditée Vanessa Steiger au générique) et celle de Zora Kerova, célèbre pour avoir été pendue par les seins dans Cannibal Ferox.

 
Edition Double DVD ShriekShow

Belle pièce que propose ShriekShow. Un double DVD où le premier disque est consacré au film dans une version très propre et bien loin de l’infâme version dans laquelle la plupart des fans avaient découvert le film dans les vidéoclubs de l’époque. Si l’image est au rendez vous, le son lui est beaucoup plus discutable avec une piste anglaise proprement inécoutable. Niveau sonore très bas et inaudible, doublage non synchronisé avec les acteurs, une catastrophe qui oblige à se replier illico sur la piste italienne beaucoup plus acceptable.

Le deuxième disque composé des bonus fait figurer une intervention publique de George Eastman et de la très rare Zora Kerova. Si cette dernière n’a pas de révélations exclusives à nous offrir, George Eastman (Aka Luigi Montefiori) est lui particulièrement prolixe sur ses relations avec D’Amato et fait preuve d’un détachement et d’un humour assez appréciables. Ne se prenant jamais au sérieux et pratiquant l’autodérision, l’entretien lève un voile sur l’écriture et le tournage du film ainsi que sur des relations parfois difficiles avec d’Amato. La plupart de ces propos se retrouvent dans ce qui constitue l’objet majeur de ce 2^ème disque, le fameux documentaire Joe d’Amato Totally Uncut, Part 2. 

Parsemé de shots d’origine des films du maître du bis, le documentaire est essentiellement constitué d’un entretien passionnant avec d’Amato au cours duquel l’homme révèle une personnalité très attachante parfois très dur (il considère notamment Rosalba Neri comme une Barbara Steele du pauvre, Luigi Batzella comme plus proche d’un conducteur de bus que d’un un vrai réalisateur et Klaus Kinski comme une pute !) mais toujours avec douceur et sans méchanceté. Le bougre dit simplement ce qu’il pense sans faux semblants avec une modestie et un regard sur son travail désarmants. Il reconnaît par ailleurs sans aucune gêne avoir tourné des porno pour financer certains films plus ambitieux et se considère même comme unique responsable de certains de ses échecs. Un document superbe et instructif.

Les autres suppléments concernent deux génériques d’ouverture alternatifs et quelques trailers de films à priori lamentables.